La Haie 24e. Juin 1779 au matin
		Je fus mardi au soir chez notre Ami. Nous nous félicitames
		réciproquement du grand événement qui vient d’avoir lieu.
		Quant à l’Affaire des Convois, les deux Villes privilégiées
		(who, as I have said already, have reason to sit down contented)
		ne peuvent rien de plus, que d’appuyer les villes souffrantes:
		c’est donc le tour de celles-ci d’agir: nous verrons
		comment elles se comporteront.— Quant à la déclaration
		d’Espe., si la Cour d’Angle. demande secours ici, comme il y a
		apparence qu’elle fera, je sai positivement que les deux Villes
		ne souffriront jamais qu’on l’accorde, & que, sans daigner entrer
		dans l’examen du cas, elles se contenteront de dire, que,
		comme l’Angle. a allégué, que la convenance & la conservation
		de soi-même la dispensoit d’observer ses Traités, les
		mêmes raisons existent pour la rep.
	
		J’ai été franc avec notre ami sur le chap. de N——. Il a
		convenu qu’il étoit remuant & trop ambitieux, ainsi que le
		Bar—— de C——: & de mon côté j’ai été de son sentiment,
		que, comme Négociant, Démagogue à la Bourse, Anti-Angl.
		&c. &c. le premier peut être plus utile que d’autres; qu’il est
		bon, par conséquent, tout à la fois, de le ménager & de le
		contenir dans sa sphere.—Quant au B—— de C—— He has
		no power (being now excluded from any share in the Government
		of his little Province), & too much rashness, to do good.
		He is busy with publishing some Letters he has received from
		Govr. Trumb——, Govr. Livingst——, & Genl. Gates, who,
		
		he tells us, cannot but have written them by consent of Congress.
		His friend, Lt. Col. Diriks, of the regt. of Proctor, has
		brought over a plan for a Loan, framed, they give out, by
		authority of Congress, by one Erkelens, a Dutch Merchant establish’d
		some years since in America; & he proposes it, I fear,
		very imprudently, for, besides what he has told me of himself,
		I have found it the matter of conversation in our public boats.
	
		Je viens de témoigner ma joie, & offrir mes services à Mr. le
		Comte de Herreria Env. d’Espe. Il a accepté compliment &
		offres avec politesse & plaisir, me disant, Je sai que vous en avez
		rendu de grands. Il m’a averti qu’on m’espionnoit beaucoup. Je
		lui ai demandé s’il ne paroîtroit pas bientôt un Traité d’Amitié
		& de Commerce entre l’Espe. & l’Am——, & si je pouvois lui
		présenter les Américains qui me seroient adressés de bonne
		part? Il m’a remis, pour s’expliquer, au temps où il aura reçu
		ses instructions, qu’il attend.
	
 
	24e. au soir
		La Province d’Hollande vient enfin de prendre une résolution
		très-vigoureuse & unanime, telle qu’Amsterdam l’avoit
		avisée, selon ma Lettre du 14e., c’est-à-dire, de donner aux
		autres Provinces le terme d’un mois, au bout duquel, si elles
		ne se conforment pas à la Résolution du 30 Mars, la Prov.
		d’Hollde. déliberera sur les mesures qu’elle aura à prendre séparément
		pour la protection de son Commerce. Le Gd. Pe. a
		déjà distribué pour cet effet les Lettres circulaires, conçues
		dans des termes aussi forts, dit notre ami, que nous eussions pu le
		faire nous-autres. Cependant, comme on n’a pas voulu autoriser,
		dans la Résolution, la Ville d’Amst. à la médiation qu’elle avoit
		
		offerte pour faire suspendre l’Edit & le Tarif, suspension
		qu’elle garantissoit en ce cas, elle n’a pas laissé de faire insérer
		dans les Actes l’annotation dont je vous ai parlé, en témoignant
		d’ailleurs être contente de la Résolution. Ceux de Dort
		& de Rotterdam, de leur côté, ont aussi fait insérer une annotation
		pareille. Voilà donc Amsterdam triomphante, justifiée
		par ses rivales-mêmes, & couverte de gloire. Sir J., au milieu
		de tout cela, fait triste figure, d’autant plus triste, dit notre Ami,
		qu’il va se plaignant de nous autres à tout le monde. C’est un grand
		personnage qui seul a empêché que la motion, pour obtenir la
		suspension, n’a pas été adoptée. Il l’a fait pour conserver son
		crédit, non seulement en Angleterre, mais aussi, & surtout,
		dans les autres provinces, où il est tout-puissant, & où il
		voudroit toujours l’être.
	
		Mrs. De N—— viennent de m’écrire qu’il leur est arrivé
		deux petits Sloops de l’Amérique (en voilà donc 7 à Amst——)
		Le Diamant Cap. Joseph Cook, & la Diane, Cap. Wm. Klaydon.
		Les Anglomanes sont furieux de cela: Hier, étant en
		bourse au milieu de ses Américains, les Anglomanes lui crierent;
		Now you may stand upon your toes. Ces derniers-venus ont
		apporté les nouvelles suivantes:
	
		Boston 22 Avr. Le Navire du Continent entra vendredi dernier.
		Il avoit pris un Corsaire Anglois de 14 pieces, par lequel
		ils eurent connoissance de la prise de 8 Vaisseaux de vivres &
		fournitures destinés de N. York pour la Géorgie. Le convoi
		étoit de 10; ainsi 2 seulement échapperent. Les chargemens
		seuls de ces prises sont estimés £80 m. st.; encore cette perte
		n’est rien en comparaison du malaise où elle aura laissé les
		royalistes en Géorgie. Le Jason Cap. Rotterfield [Porterfield],
		Esqr. de 20 pieces, la Marie de 16, & le Hibernian de 8 pes.,
		en étoient.
	
		Bost. 26 Avr. Jeudi dernier entra la Frégatte du Continent la
		Reine de France, Cap. Orney [Olney], avec la prise la Marie
		de 16 pes., trois Brigantins, & le Hibernian, qui entra le dernier
		des 8 prises faites par le Warren, la Reine de France, & le
		Ranger.
		
	
		Je prévois que je n’arriverai pas assez tôt à Passy pour y
		célébrer le 4 Juillet: patience; je ne puis me résoudre à laisser
		ces gens assemblés ici. Je crois devoir vous apporter la fin du
		roman, & sacrifier plutôt mon plaisir; for my heart was set upon
		it. La raison pourquoi j’avois pensé à me procurer un gîte près
		de Mr. Bancroft, c’est que j’espérois de pouvoir vous approcher
		en sa compagnie plus souvent & sans cérémonie, &c.
		car on m’avoit dit (peut-être à dessein) que je ne pourrois
		avoir que rarement audience, & toujours en la faisant demander
		avec apparat. On m’avoit dit aussi, que vous étiez allé
		demeurer dans l’Hôtel-même de Mr. De Ch——. Mr. Pringle
		vient de m’assurer le contraire. Disposez donc de moi dans
		quelque endroit de votre hôtel qu’il vous plaira; j’y attendrai
		les moments de loisir où vous me ferez appeller, avec ce respectueux
		dévouement que j’aurai toute ma vie pour vous,
		Monsieur, Votre très-humble & très-obéissant serviteur,
	
 
	Mrs Pringle & Stockton sont partis pour Amst., où ils s’embarqueront
	dès qu’ils pourront. Je les regrette tous deux. Je
	m’étois fait une douce habitude de la société du dernier, le
	trouvant aussi prudent que zélé pour sa patrie. Cette Lettre
	ne peut partir que demain 25.
	Passy à Son Exc. Mr. Franklin